Sheng Yucang, une vendeuse âgée de 34 ans originaire de la Province du Shandong, a assigné Carrefour devant le Tribunal Populaire du district de Fengtai à Beijing, demandant le paiement d'indemnités de sécurité sociale et d'heures supplémentaires.
« Je ne le fais pas pour moi-même, je le fais pour toutes les vendeuses exploitées par ces supermarchés étrangers », a-t-elle déclaré de retour dans sa ville natale du Shandong, après avoir demandé le 29 décembre à son avocat de déposer sa plainte en son nom devant le tribunal.
Mme Sheng avait été embauchée début 2008 par Walch, une marque de produits de droguerie d'usage quotidien, pour faire la promotion de ces produits dans un supermarché Carrefour de l'arrondissement de Fengtai, mais en fait, une grande partie de son temps avait été passée à décharger des marchandises et à faire du nettoyage pour Carrefour.
Son salaire était de 1 600 yuans (235 dollars US) par mois.
Mme Sheng a déclaré ne pas avoir signé de contrat, que ce soit avec Walch ou Carrefour, avant décembre dernier.
Elle a été licenciée au mois d'avril dernier, alors qu'elle était enceinte de six mois.
« J'ai entendu un responsable de Carrefour dire à une directrice de Walch que du fait de ma grossesse, je ne convenais pas pour travailler là », a-t-elle dit.
« La directrice m'a ensuite sermonée et m'a demandé de partir. Elle a dit 'si vous voulez rester, il vous faudra avorter' », a déclaré Mme Sheng.
Elle a précisé que le service vendant les produits de droguerie comptait environ 60 employées mais que seuls trois ou quatre avaient signé un contrat avec Carrefour, le reste étant vendeuses de différentes marques.
« Nous faisons ce que les employées de Carrefour font, c'est à dire charger et décharger des marchandises, et nettoyer. Vous savez, c'est un travail physiquement très difficile, mais vous devez vous y faire, sinon vous perdez votre emploi », dit-elle.
Des avocats estiment qu'en Chine, il y a actuellement plus d'un million de vendeuses connaissant le même sort que Mme Sheng.
Le cabinet d'avocats Zhicheng de Beijing, un centre de recherche et d'assistance légale destiné aux travailleurs migrants et financé par le gouvernement a pris son affaire en main, ce qui lui a permis de découvrir que ce qui est arrivé à Mme Sheng, loin d'être un cas isolé, est révélateur des « règles cachées » de l'industrie des supermarchés.
« Nombre de supermarchés ne signent aucun contrat avec ces vendeuses, sans parler du paiement des assurances sociales ou des heures supplémentaires. Ils se déchargent tout simplement de leur responsabilité sur leurs fournisseurs comme Walch, mais exploitent ces vendeuses comme des bêtes de somme », dit Tong Lihua, patron de cette société, précisant au passage que cette façon de faire est une relation de travail déguisée introduite depuis l'étranger.
Des cas similaires sont arrivés dans des enseignes locales comme Wu Mart and Merry Mart.
Mais une relation de travail existe en fait entre les supermarchés et ces vendeuses, dit-il.
Prenez Mme Sheng par exemple.
Premièrement, elle faisait la promotion de produits Carrefour, puisque les fournisseurs avaient vendu leurs produits à Carrefour.
Deuxièmement, les tâches effectuées par Mme Sheng lui étaient directement assignées par les responsables de Carrefour.
Troisièmement enfin, elle portait un uniforme Carrefour durant ses heures de travail.
Cependant, les demandes de Mme Sheng ont été rejetées par le Comité d'arbitrage du travail de Beijing, n'ayant pas été en mesure de fournir des preuves écrites d'une relation de travail existant entre elle et Carrefour.
Ce qui fait dire à Dong Baohua, professeur de droit à l'Université de politique et de droit de la Chine de l'Est, qu'il reste encore une petite chance pour Mme Sheng de remporter son procès.
« La relation de travail déguisée est encore un terme académique », dit-il.
« Et considérant que Mme Sheng avait une relation de travail claire avec Walch, qui l'a embauchée, payée et licenciée, c'est à peine si l'on peut dire qu'il existe une règle de droit qui engloberait Carrefour ».
« Je n'ai pas le moins du monde levé le pied après être tombée enceinte », dit Mme Sheng, qui depuis qu'elle a perdu son travail s'occupe de son bébé âgé de quatre mois dans son village du Shandong.
Elle n'osait pas se reposer, bien qu'étant enceinte, sachant que le surveillant de Carrefour la contrôlait et pouvait à tout moment demander à Walch de la licencier.
Mme Sheng a déclaré qu'il lui arrivait souvent de rester debout et de travailler de 15h à 4-5h du matin quand elle était en service de nuit.
Son mari est actuellement chauffeur de taxi à Beijing et gagne environ 2 000 yuans par mois.
Avoir cet enfant était une décision difficile, dit-elle, car ils savaient tous les deux combien éléver un enfant à Beijing est onéreux, mais jamais elle n'aurait pensé qu'elle puisse perdre son travail pour cette raison.
16 autres vendeuses embauchées par Beijing "Prince Milk" pour assurer la promotion de ce produit dans les supermarchés Wu Mart, Merry Mart and Ikelong, qui ont connu des déboires similaires à ceux de Mme Sheng, ont également soumis leur cas aux autorités d'arbitrage du travail.
Source: le Quotidien du Peuple en ligne