HARCÈLEMENT, DÉTOURNEMENT DE FONDS... |
Aurélien Amodru, le gérant de l'Intermarché situé route de Furnes, a été mis en examen, hier, par un juge d'instruction de Dunkerque, mais laissé libre sous contrôle judiciaire, contre une
caution de 15 000 E. Il est poursuivi pour harcèlement moral et sexuel, abus de confiance, détournement de fonds, faux et usage et faux, mise en vente de produits impropres à la
consommation. Son contrôle judiciaire lui interdit de gérer une entreprise, d'entrer en contact avec les salariés de la grande surface ou de se rendre au magasin.
Depuis le début de sa
garde à vue, lundi matin, jusqu'à sa présentation devant le juge d'instruction, hier en fin de matinée, Aurélien Amodru a nié la totalité des faits pour lesquels il est
poursuivi.
Non, il n'a pas harcelé
moralement et sexuellement son personnel. Non, il ne se promenait pas dans l'établissement, un revolver gomme-cogne à la ceinture pour créer un climat de terreur. Non, il n'a pas demandé au
personnel, sous la menace, de rédiger de fausses attestations stipulant que tout se passait idéalement dans le magasin, sur le plan des horaires et des rémunérations. Non, il n'a pas utilisé les
cartes bancaires de la société pour son enrichissement personnel. Non, il n'aspergeait pas de bombe insecticide, le soir, les fruits et les légumes pour les rendre plus présentables.
Tout au plus, Aurélien Amodru se définit-il comme « un dirigeant à poigne ».
Pourtant, le parquet de Dunkerque a estimé disposer d'éléments matériels suffisants pour ouvrir une information judiciaire visant ces faits, rallongeant la sauce en retenant un abus de
confiance.
Accumulation
d'éléments
« L'enquête
préliminaire est partie d'une procédure prud'homale classique de la part d'un salarié. Puis une plainte a été déposée pour faux témoignage lié à du harcèlement moral. Le parquet a décidé
d'engager des investigations plus poussées. Au fur et à mesure de l'enquête, des éléments s'accumulaient. Beaucoup d'employés évoquaient les mêmes choses, les problèmes sexuels et les problèmes
d'hygiène », précise le procureur de la République de Dunkerque, Philippe Muller, qui admet qu'il reste « des éléments à affiner, notamment sur l'aspect purement commercial et
les détournements de fonds, en fait l'abus de biens sociaux ». l'administration fiscale a été associée au dossier.
De même, si la justice
se contente pour le moment de poursuivre pour harcèlement moral et sexuel, certaines plaignantes, elles, vont jusqu'à dénoncer des attouchements. Là encore, l'enquête confiée au juge
d'instruction devra confirmer ou infirmer ces faits.
Chape de
plomb
La garde à vue
d'Aurélien Amodru et de ses proches (1) - son père, sa soeur, son frère, son épouse - a permis de soulever la chape de plomb qui pesait sur le personnel et de faire s'échapper la pression. Devant
les services de police, les langues se sont déliées et les témoignages des salariés se sont durcis.
Une première
constitution de partie civile défendue par Me Mougel est annoncée dans ce dossier. Il s'agit de la responsable du rayon boulangerie qui avait, début 2008, engagé une procédure aux prud'hommes
pour un problème d'heures effectuées non payées.
Elle dénonce aussi un
harcèlement moral. Depuis cette affaire, le médecin du travail l'a déclaré en inaptitude physique à poursuivre son métier au sein du supermarché.
Sur les seize
plaignants qui se sont manifestés, beaucoup dénoncent des pressions, des humiliations, du chantage à l'emploi. D'autres disent franchement leur peur de se faire coincer au fond d'une remise,
pendant la pause, et de subir les avances du patron.
Là encore, en l'état de
l'enquête, il faut recevoir ces paroles avec beaucoup de précautions. Le climat délétère qui régnait au sein du supermarché ne serait-il pas de nature à noircir le tableau
?
Chacun reconnaît
néanmoins que les relations de travail s'étaient dégradées depuis la reprise de la direction du magasin par Aurélien Amodru, âgé de 25 ans.
Franchisé (2), cet
Intermarché pris en main par le père du mis en examen en 1997 - il en est l'administrateur - a toujours fait l'objet d'une gestion familiale.
Personnalité
appréciée
Ce qui demeure
troublant dans cette enquête, c'est le décalage entre les dires des salariés et la personnalité d'Aurélien Amodru. En dehors de ses fonctions, l'homme est décrit par tous comme quelqu'un de
dynamique, généreux et qui a toujours souhaité s'investir dans la vie associative et municipale de Coudekerque-Branche. Il est d'ailleurs trésorier du conseil de quartier du Petit Steendam.
•
(1) : Ils ont tous été
libérés entre lundi et mardi soir. Rien n'a été retenu contre eux.
(2) : Les magasins
Intermarché franchisés ne dépendent plus du groupe et font l'objet d'une gestion autonome. L'image de marque de ces magasins ne peut ainsi être remise en cause.
Source: La voix du Nord