L'agroalimentaire envisage la justice contre les distributeurs
Les industriels
s'insurgent contre certaines pratiques commerciales des enseignes. Bercy temporise.
«Ce sont des méthodes de
voyous!»
Comme à son habitude, Jean-René
Buisson, le président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania), n'a pas manqué d'étriller la grande distribution lors de la présentation mardi du bilan 2009 de l'industrie
agroalimentaire.
Après avoir «accepté du bout des
lèvres» la LME, l'Ania ne décolère pas.
«Les distributeurs n'appliquent
pas la loi», estime Jean-René Buisson, qui pointe du doigt le fait que ceux-ci refusent le principe même du plan d'affaires, qui fixait par écrit, jusqu'à l'application de la LME, les détails du
dispositif promotionnel arrêté au titre de la «coopération commerciale».
Par ailleurs, au mépris des
négociations du début d'année, certaines enseignes auraient décidé d'appliquer les tarifs 2009 jusqu'à l'été.
Son de cloche différent à
Bercy
Très remontée, l'Ania pèsera de
tout son poids pour faire modifier la LME lors du prochain examen de la loi de modernisation de l'agriculture (LMA) à l'Assemblée nationale. Elle envisage aussi de modifier ses statuts afin de se
porter partie civile en cas de litige avec les grandes enseignes.
À Bercy, le son de cloche est
très différent. Hervé Novelli, qui présentait mardi le bilan annuel de la Direction de la concurrence (DGCCRF), estime que la LME «a apporté des progrès majeurs».
À commencer par la
réduction des deux tiers des marges arrière, qui ne représentent plus que 11 à 12% du chiffre d'affaires des distributeurs depuis l'an dernier, contre 32% en 2008.
61 contentieux
civils
«La négociabilité des tarifs a
permis de renforcer la différenciation tarifaire entre enseignes», a souligné le secrétaire d'État chargé du Commerce.
L'amplitude était de 12,4
points en 2009, contre 7 points en 2006, signe d'une plus grande concurrence, même si les prix des produits de grande consommation vendus en grandes surfaces n'ont au final reculé que de 0,2% en
2009.
Concernant les négociations
commerciales, Hervé Novelli a rappelé que l'action de la «brigade LME» mise en place il y a un an pour contrôler
les pratiques a déjà donné lieu à 377 procès-verbaux et 61 contentieux civils, dont les assignations lancées en octobre dernier à l'encontre de neuf distributeurs.
Mais les premiers jugements qui
créeront une jurisprudence n'interviendront pas avant la fin de l'année.
En dehors de certaines clauses
litigieuses déjà constatées l'an dernier, la DGCCRF en surveille de nouvelles qui se développent chez les distributeurs, comme le déréférencement partiel sans préavis ou la fixation d'une
garantie de marge.
Panne de
croissance
Pour la première fois depuis la
fin des années 1980, l'industrie agroalimentaire a enregistré l'an passé une baisse de son chiffre d'affaires. En 2009, les ventes du premier secteur industriel français ont reculé de 8% à
139 milliards d'euros.
«Une vraie rupture», selon
l'Association nationale des industries alimentaires (Ania), qui s'explique largement par une forte diminution des prix à la production (- 7,4%).
La prudence a également conduit à
un recul de 14% des investissements. La France, qui exporte 70% de sa production en Europe, a par ailleurs vu sa compétitivité décroître, concurrencée notamment par l'Allemagne. Elle est
désormais le 4e exportateur alimentaire mondial, avec des exportations en baisse de 9,2%.
«La reprise ne se fera réellement
sentir qu'à partir de 2011», prédit l'Ania, la consommation restant en berne. Le risque de défaillance d'entreprises devrait augmenter en 2010.