Rouen
: des salariés du Carrefour de Mont-Saint-Aignan demandent aux prud’hommes des indemnités pour laver les vêtements de travail
Justice. Vingt-deux salariés de l’hypermarché Carrefour de Mont-Saint-Aignan ont réclamé hier des indemnités pour
laver leur linge de travail ainsi que des dommages et intérêts pour « résistance abusive ».Catherine Adam, déléguée CFDT
Avec leur avocate Marie-Pierre Ogel, es salariés étaient hier aux prud’hommes (photo Stéphanie
Péron)
La procédure fait tache… Le groupe Carrefour ne lave pas son linge sale en famille… Les salariés battent le tambour…
de leur machine. Les jeux de mots ne manquent pas pour évoquer le conflit lancinant des salariés de Carrefour qui les oppose à leur direction. Laver une tenue de travail « Carrefour » coûte-t-il
20 € par mois ou 5 €, voire 0,77 € par lessive ou encore 8,70 € par passage au pressing ? Avalanche de chiffres hier au conseil des prud’hommes de Rouen pour une cascade de procédures portant
toutes sur le même litige. Depuis 2008, les salariés du groupe (essentiellement les adhérents de la CFDT mais aussi de la CGT) réclament que l’entretien de leurs tenues de travail, qui sont mises
à leur disposition, soit indemnisé par la société Carrefour.
Proposition surprise
Hier, au conseil des prud’hommes de Rouen, ce sont 22 salariés du Carrefour de Mont-Saint-Aignan qui réclamaient des
indemnités sur les cinq dernières années ainsi que des dommages et intérêts (plus de 5 000 € par salarié) pour « résistance abusive » de la société Carrefour dans ce litige. Le conseil des
prud’hommes rendra sa décision le 25 novembre prochain.
Plus que deux logiques qui s’opposent, ce sont deux niveaux d’indemnisation qui s’affrontent. Pour Me Mathieu Hugueville, avocat de la société Carrefour, « les salariés ont droit à une
indemnisation, mais toute la question réside dans son montant ». Reprenant la jurisprudence de cette cause nationale, où près d’une cinquantaine de juridictions françaises ont été saisies,
l’avocat détaille aussi qu’un accord a été trouvé fin 2012 qui fixe l’indemnisation à 5 € par mois et à 700 € de dommages et intérêts. « S’il le faut, je fais une proposition d’indemnisation tout
de suite », déclarait-il alors que Me Marie-Pierre Ogel, pour les salariés, expliquait qu’aucune proposition, qu’aucun chèque n’avait été adressé avant l’audience aux salariés, concernant la
période précédant l’accord. La proposition surprise de l’avocat choque la vingtaine de salariés présents. La salle gronde. Certaines font des doigts d’honneur.
Pour les salariés, les comptes de la société Carrefour ne sont pas les bons. « La société joue la montre, parie sur l’épuisement des salariés. Ces vêtements sont portés pour l’intérêt commercial
de l’entreprise. Cela fait plus de quatre ans que des litiges animent les conseils des prud’hommes un peu partout en France. Les juridictions en ont marre et fixent des dommages et intérêts de
plus en plus élevés ».
« Nous nous battons sur le montant de l’indemnisation, pas sur le principe », souligne Me Hugueville en réponse, qui détaille que si, de 2008 à 2012, la société a contesté le principe de
l’indemnisation, elle a rendu les armes après une décision de la cour de cassation.
B. M.-C.
PROCES. L’historique
Depuis 2008, les procès s’accumulent autour du même litige, le nettoyage des vêtements de travail.
En mai 2008, la cour de cassation donne raison aux salariés qui réclament l’entretien de leur linge fourni pour des raisons commerciales.
Les magasins Carrefour d’Anglet, de Cherbourg, d’Angoulins, de Riom, de Caen, du Havre, de l’Isle d’Abeau ont été condamnés depuis.
A Anglet, par exemple, le 29 janvier dernier, 76 employés ont touché 400 000 € pour un litige portant sur les années 2005-2010.
LA VERITE DU PRIX:
« Franchement, la proposition de 5 € bruts par mois, vous trouvez ça bien ? Pour laver tous les vêtements ? »,
s’indigne Jean-Luc Robin, de l’Union locale CGT de Saint-Etienne-du-Rouvray qui défendait cinq salariés hier. « On leur impose une tenue présentable tous les jours, pour des personnes qui sont
parfois au-dessous du SMIC. Et puis, il n’y a pas que la lessive qu’il faut compter. Il y a l’électricité, la flotte, le repassage. Ça coûte du temps, et c’est du temps de travail. C’est presque
du travail dissimulé », détaille devant les prud’hommes le syndicaliste avant de demander des indemnités de l’ordre de 15 000 € par salarié.
Si certains sites disent qu’une machine à laver, tous débours confondus, coûte 0,31 € par cycle, certains salariés, via un pressing, détaillaient des coûts de 8,70 €.
Catherine Adam, déléguée CFDT
" Pas contre l'entreprise"
Catherine Adam, délégué CFDT au sein de l’établissement Carrefour de Mont-Saint-Aignan, était hier présente, avec
nombre de ses collègues, au procès des prud’hommes. « Nous ne sommes pas contre l’entreprise, notre démarche vise à faire constater et appliquer un droit ». Au niveau national, c’est la CFDT qui
a tiré la sonnette d’alarme de ces litiges et les a portés la première devant les juridictions. « C’était un effet de notoriété qui était recherché », a estimé l’avocat de la société Carrefour,
une entreprise où le syndicat FO, majoritaire, a signé un accord indemnisant à 5 € bruts par mois l’entretien du linge professionnel. Des élections doivent se tenir dans les prochains
mois.
50 procès dans les
hypermarchés
« Localement, la CFDT a proposé uniquement à ses adhérents de se joindre à cette procédure, sachant qu’il y a 420
salariés au Carrefour de Mont-Saint-Aignan. Certains non-syndiqués se sont montrés intéressés mais n’osent pas saisir les conseils des prud’hommes », poursuit Catherine Adam. Comment expliquer
que les magasins de Tourville-la-Rivière et de Barentin ne se sont pas manifestés, contrairement au Havre ou à Mont-Saint-Aignan ? L’histoire syndicale sans doute, les deux derniers magasins
étant des ex-Continent, où la CFDT a été majoritaire, tandis que FO l’était dans les autres magasins.
« Aujourd’hui, près de 50 procédures ont été lancées au niveau national, sur 120 hypermarchés », poursuit Catherine Adam.